LAllemagne
voulait la guerre, la préparait depuis longtemps, avait
failli maintes fois la provoquer. Le rêve des pangermanistes, qui finit par s'imposer au kaiser, allait tout simplement à l'Empire du monde. Il s'agissait de saigner la France une fois pour toutes et de la rendre définitivement impuissante, de lui enlever, du même coup, toutes ses colonies, sa barrière des Vosges, et ses départements du Nord jusqu'à la Somme. La Manche et la mer du Nord devenaient ainsi des mers allemandes, car la Belgique et la Hollande se trouveraient fatalement englobées dans le bloc germanique. Constamment menacée d'une invasion venant à la fois de Calais, d'Anvers et de Kiel, l'Angleterre perdait à bref délai sa suprématie maritime et était réduite au rang de puissance de second ordre. A la Russie, on ne prenait peut-être que la Pologne et les provinces Baltiques; on se bornait à la reléguer dans ses steppes; on l'eût tolérée comme nation asiatique. Par l'Autriche-Hongrie, assimilée, la main était mise sur les Etats balkaniques et adriatiques; par la Turquie vassale la conquête descendait en Asie, jusqu'aux Indes anglaises. Un tel plan semble de la démence : aux yeux de ceux qui l'avaient conçu, l'exécution en paraissait facile. La France, assaillie d'abord, serait écrasée en quelques semaines; on se retournerait ensuite contre la Russie qui ne soutiendrait pas beaucoup plus longtemps le choc des invincibles armées allemandes. L'occasion cherchée de déchaîner le grand cataclysme se présenta : ce fut le meurtre de l'archiduc François-Ferdinand, héritier d'Autriche, à Serajevo (Bosnie), le 28 juin 1914. Le gouvernement austro-hongrois voulut en rendre responsable le gouvernement serbe et lui adressa, le 23 juillet, un ultimatum inacceptable. Cependant la Serbie, sur les conseils de la Russie et de la France, se soumit à toutes les conditions qui lui étaient imposées, sauf une, qu'elle demandait à discuter. Afin d'appuyer la cause de la Serbie, la Russie avait mobilisé quelques corps d'armée sur la frontière autrichienne. Revenu soudainement d'une croisière qu'il accomplissait sur les côtes de la Norvège, l'empereur d'Allemagne, Guillaume II, somme le tzar Nicolas de révoquer cet ordre de mobilisation. A ce moment, l'Autriche-Hongrie inclinait à accepter l'offre d'une conférence d'arbitrage des grandes puissances européennes. Mais Guillaume II ne voulait à aucun prix le maintien de la paix. Il déclara la guerre à la Russie le ler août et à la France le 5, entraînant l'Autriche à sa suite, et soulevant contre lui la France, la Russie, la Serbie et le Montenegro, puis, dès le lendemain, la Belgique et l'Angleterre. |