15 - Verdun 

 
L'année 1916 restera mémorable par la résistance victorieuse de Verdun.

On avait réservé au kronprinz d'Allemagne la réussite, dont on était certain, de ce plan d'une belle envergure : prendre Verdun; à la suite, faire la grande trouée dans la ligne française, et recommencer la

marche d'août 19l4 sur Paris.

Tous les moyens avaient été réunis pour obtenir ce résultat. Le 2l et le 22 février 1916, un bombardement d'une violence telle qu'on n'avait jamais encore rien vu ni imaginé de semblable, pulvérisa nos retranchements. Les Allemands pensèrent qu'ils n'avaient plus qu'à avancer. Ils furent accueillis par le feu de notre artillerie et de nos mitrailleuses. Cependant, on cédait devant eux, méthodiquement, vendant plus cher qu'il ne valait le moindre avantage. La surprise de l'ennemi se changea en rage; il reprit brusquement sa tactique brutale des masses profondes. Avec un stupide entêtement, le kronprinz lança contre nous, sans se lasser, ses troupes sacrifiées en pure perte. Un régiment brandebourgeois réussit à pénétrer, le 26, dans le fort de Douaumont; ce fut tout, et il devint évident que Verdun, n'ayant pas été pris au bout d'une semaine, comme le kronprinz s'en flattait, ne le serait jamais.

La folie furieuse de ces attaques sembla, vers la fin d'avril 1916, se calmer un peu. Elle eut une recrudescence le mois suivant. Du 4 au 30 mai, une vingtaine de divisions allemandes furent successivement jetées contre le Mort-Homme et la cote 304, sur la rive gauche de la Meuse : le seul résultat fut la prise de quelques positions avoisinantes. Sur la rive droite, les ruines de Douaumont et les fossés du fort de Vaux étaient, pendant ce temps, le théâtre de sanglants combats. L'ennemi réussit à isoler le fort de Vaux et à le couper de toutes communications avec nos lignes; enfin, le 7 juin, il s'en rendit maître après un effroyable bombardement. Par la chute de Douaumont et de Vaux, une brèche assez large était pratiquée dans la première ceinture de la défense de Verdun. Les Allemands avaient maintenant devant eux l'ouvrage de Thiaumont et le fort de Souville, qui font partie de la seconde ceinture. Ils s'y brisèrent une première fois le 30 juillet, après deux mois d'acharnement, et définitivement cette fois, le 29 septembre. A ce moment, l’on peut dire enfin que la tentative sur Verdun est abandonnée. D'ailleurs, à cette heure, la bataille de la Somme donnait, depuis longtemps, d'autres préoccupations à l'état-major allemand.

Le 24 octobre, une vague d'assaut partit de nos tranchées, enleva d'un seul élan le fort de Douaumont et rejeta l'ennemi presque jusque sur ses positions du début de la bataille. Ce jour-là, en quatre heures, nos troupes anéantirent toute l'oeuvre à laquelle l'Allemagne avait sacrifié, pendant huit mois, un demi-million de ses meilleurs soldats.

La réoccupation du fort de Vaux, qui survint le 2 novembre, mit l’achèvement à la victoire de Verdun.