Avide
de finir la guerre avant que l'Amérique fût prête à
nous aider à lui asséner le coup suprême, le kaiser
voulut jeter sur nous toutes ses forces du front
occidental, accrues de celles que la débâcle russe
venait de rendre disponibles. Ludendorf disposait ainsi d'une
masse manoeuvrière de 2.500.000 hommes, les réserves
comprises, que la configuration divergente des lignes qu'il
occupait lui permettait de porter sur un point déterminé
avec une rapidité à laquelle, obligés de suivre l'arc
de cercle, nous ne pouvions prétendre. Le caractère décisif
que l'on entendait imprimer à la lutte avait inspiré à
l'entourage de Guillaume II cette dénomination de
Bataille du kaiser, ou même de Batailles du kaiser, car
il était admis quune première tentative pourrait
ne pas atteindre complètement le but; mais une seconde
suivrait, et une troisième au besoin, qui l'atteindrait. Le premier objectif de Ludendorf était de couper l'armée française de l'armée anglaise, au point où elles se soudaient, mais imparfaitement, presque à angle droit, ayant l'Oise entre elles; de tourner l'armée française et de s'ouvrir la route sur Paris. Le 2l mars 1918, les Allemands débouchèrent en trombe de Saint-Quentin, bousculèrent la 3e et la 5e armées britanniques, enlevèrent Tergnier le 22, passèrent la Somme à Ham le 23, prirent Bapaume, Combles, Péronne, Nesle, Guiscard, Chauny le 24, et, le 25, Roye, Noyon, Albert. Leur avance avait été foudroyante, et elle était considérable. Pour parer le coup, Pétain envoya en hâte un corps d'armée français, qu'il put rapidement renforcer par d'autres corps; le tout fut mis sous les ordres du général Fayolle. Celui-ci réussit à arrêter l'avalanche allemande au Mont-Renaud, au-dessous de Noyon et Lassigny, le 26 mars. Ludendorf, essaya alors de passer plus à l'Ouest et alla s'emparer, le 27, de Montdidier. Mais rencontrant partout, dès ce moment, une barrière solide, il renonça pour cette fois à la marche sur Paris et se retourna vers Amiens. La route était pour ainsi dire ouverte ; le général anglais Carey put la leur fermer, avec des moyens de fortune. Dans les deux jours qui suivirent, la cohésion des armées alliées fut rétablie. Le 1er avril, le front était stabilisé. Cependant, du 9 au 29 avril, Ludendorf fit encore un effort pour réaliser au moins cette partie de son plan qui consistait à détruire les bases des armées anglaises en faisant main basse sur les ports de la Manche. Il attaqua plus au nord, vers Armentières, qui tomba le 11 avril, et dans la direction de Béthune, d'Hazebrouck et d'Ypres. Mais il ne put aborder aucune de ces trois villes. Le 1er mai marqua la fin de l'offensive. Ludendorf, en fin de compte, n'avait réussi ni à menacer effectivement Paris, ni à disjoindre nos armées des armées anglaises, ni à enlever à celles-ci leurs communications avec la mer. Il faut reconnaître cependant qu'il avait obtenu de grands résultats, et que tout le bénéfice territorial de la victoire de la Somme était momentanément perdu pour nous. |